Les blogueurs cèdent plus facilement au chant des sirènes des nouvelles technologies. Néanmoins, il importe de rappeler que nous naviguons des eaux incertaines, histoire de refaire un cap. C’est le cas sans doute de la lecture, un exercice que l’Homme a raffiné pendant plus de cinq millénaires et que les nouvelles technologies font brusquement giter. Maryanne Wolf, professeure au Eliot-Pearson Department of Child Development de l’Université Tufts, signe un article intéressant dans lequel elle s’interroge sur les conséquences du numérique sur la lecture (International Herald Tribune : Socrates’ nightmare).
Wolf s’inquiète de la superficialité qui vient de la démocratisation des moyens de publication. Elle soutient sa thèse en faisant appel à trois arguments qui étonnent par leur éclectisme. Elle évoque le caractère acquis de la lecture démontré par l’imagerie cérébrale. Ensuite, elle rappelle que Socrate voyait dans la littératie un obstacle à la pensée achevée, laquelle vient seulement de l’analyse et de l’intériorisation personnelle. Défendant néanmoins l’importance de la lecture, elle cite Proust pour qui l’aboutissement de la sagesse de l’auteur n’est que le commencement de celle du lecteur.
Sauf que le problème de la superficialité n’est pas à proprement parler technologique. Il s’agit plutôt d’un phénomène lié à une société débridée poursuivant les chimères de la productivité et des biens matériels. Par ailleurs, les accusations de superficialité de l’information négligent le fait que l’explosion des communications écrites fait en sorte que les gens lisent maintenant davantage. Du coup, la quantité et la variété des lectures amènent plus de synthèses de l’information, donc plus de créativité collective. De communion personnelle, la lecture offre désormais une dimension parallèle de communion connective. S’il y a plus de lecture anodine, il me semble qu’il y a aussi, au total, plus de gens qui approfondissent les sujets.
Nous traversons, de toute évidence, un soubresaut de l’évolution. Les excès du balancier, si excès il y a, finiront bien par revenir à des procédés plus naturels.
Par ricochet :
La lecture bombarde le cerveau
Neuroscience et développement de la lecture
10 raisons de lire aux enfants
(Billet retranscrit d'un blogue personnel)
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